Claire Ceira

matrice

par claire le 17 janvier, 2022

Je vais te faire comme mon père : le nez surtout, mais aussi les deux plis profonds de chaque côté : du nez à la commissure des lèvres. Et les cheveux lissés en arrière, avec deux golfes profonds.
Je vais te faire comme lui, mais je sais déjà que tu seras différent, parce que je l’ai presque oublié, parce qu’il n’existe plus…enfin on ne peut plus le voir, le toucher – alors que tu sera là dans ma main, dans toute la solide dureté de ton bois. Objet, objet que je pourrai jeter, brûler, objet qui existe.
Mes gestes sont précautionneux, la pression du ciseau, de la gouge, je les dirige de mon mieux. Je ne suis pas si attentif au résultat, mon geste est une invocation, mon esprit est parti à sa recherche, je rêve.
Peu importe ce que tu montreras finalement de ma mémoire défaillante, de la nature des morts si inaccessible. Tu témoigneras toujours de ce moment particulier où j’ai essayé de faire mon père, où j’ai convoqué dans l’épaisseur du passé ses innombrables visages, presque effacés.

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