Claire Ceira

focale (21)

par claire le 31 août, 2021

1
L’enfant flou derrière, en tablier, appuyé à la porte
L’homme devant, le reflet qui aveugle le verre droit de ses petites lunettes rondes lui donne une allure de monstre mythologique, avec son visage si assuré, narines, mâchoires, casquettes.
La barrière peinte de cercles, l’ébauche d’un 7, on voit que le taureau n’est pas encore là.
C’est l’enfant flou qui est le plus présent, d’une certaine manière,
comme est présent ce qu’on ne perçoit pas directement. Il semble pourtant absent à lui-même, la tête un peu penchée, comme font les enfants qui attendent, se font oublier, au second plan de la vie des adultes.
On est en Espagne dans une plaza de toros. La guerre n’est pas encore là, elle n’éclatera que dans trois ans.

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2
Deux sortes de présences dans cette image.
Au premier plan, celle d’un visage masculin encadré dans le rectangle d’une ouverture. Presque taurin, narines ouvertes, moustache lourde, Poliphème autant que Minotaure car un reflet de lumière aveugle le verre droit de ses petites lunettes rondes, il regarde de côté, attentif et maussade.
Au fond, rêvant, très flou, un enfant tient embrassé le battant d’une porte. Comme la présence de l’âge adulte, la présence de l’enfance.
On est dans une arène, un jeu virtuose de figures géométriques donne à la scène quelque chose de mythique, d’abstrait. Pourtant ces cercles concentriques ont été peints, ces rectangles ont été découpés dans le bois des portes et des barrières, le chiffre 7 qu’on devine a été inscrit à la peinture noire. On est dans un interlude, entre deux mises à mort le vieux spectacle est à l’arrêt.
Pour moi qui lis la légende : « Arènes de Valence, 1933 » une autre image se superpose : le tableau de Picasso, « Guernica ».
Dans ce moment capté, dans cette scène vue au cours d’un voyage, dans ces deux personnages et ce qui les rassemble, comme une intuition et la figuration de ce qui allait suivre, pour ce pays.

Nous qui savons ce qui arrivera, nous voyons dans le visage sanguin de l’homme, son air méfiant et autoritaire à la fois, comme un calque vague, comme un prémisse du taureau qui mugit au premier plan de « Guernica ».

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