Trois visiteurs devant le Sacré-Coeur
par claire le 11 avril, 2025
« Il fait froid ici, et les escaliers m’ont crevée. Et il y a – comme toujours – trop de monde.
Ce que c’est pénible ces touristes qui se bousculent, les petits jeunes qui ricanent collés à leurs portables, les vieux qui traînent et bouchent le passage, renversés en arrière pour regarder en l’air. On n’entend personne ou presque parler français. Et ces cadenas sur les grilles, ces espèces de rituels d’amoureux moutonniers, j’ai vu ça dans tous les coins touristiques…ils y croient ?
En bas des marches il y avait des types avec des ficelles de couleur qui vous attrapent le poignet et veulent vous faire un bracelet. Ils rigolent, ne se fâchent pas quand on refuse. Il y a quelque chose d’agréable dans cet instant, furtif : des doigts d’homme vous enserrent le poignet, chauds et légers comme leur rire. Ils sont postés à l’endroit où se déverse le flot des descendants. On dit non en riant aussi.
Je n’aime pas du tout cette grosse meringue avec son chapeau de chantilly. Et à l’intérieur c’est encore pire, la cathédrale du laid. Mais les touristes se pressent pour entrer, d’un air extasié, pépiant et mitraillant.
Tiens, il y a un rayon de soleil qui traverse les nuages, tombe en plein sur la coupole, le blanc soudain ressort bien sur le gris, je vais faire la photo, encore cette fois » : clic
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« Les parents sont devant, ils sont énervés parce que Julie a marché dans une crotte et qu’il a fallu racler ça sur le bord du trottoir, Maman s’en est mis sur les doigts et bien sûr elle n’avait plus de mouchoirs. Ils ont essayé d’aller dans un troquet aux toilettes mais bien sûr on les a refoulés alors on s’est tous assis à la terrasse pour boire et elles ont pu y aller . Julie a pleuré, moi je m’en fous, je suis le mouvement parce que je n’ai pas le choix. Il y a une bande de petites japonaises qui piaille de l’autre côté du café, la plus mignonne a des cheveux hérissés sur la tête et elle me regarde, je crois bien. J’ai fini mon coca, je me lève et je passe devant elles, je fais style d’aller dehors photographier le monument, dont je n’ai vraiment rien à faire bien-sûr. En passant je me penche et je lui dis : « Welcome to Paris » et elle se met à glousser, comme toutes ses copines, me répond un truc en japonais (ou en anglais?). Voilà , j’ai fait le french lover, elle ne m’oubliera pas, elle va en parler pendant trois jours sur ses réseaux. Les parents n’ont rien vu, ils me demandent où j’étais passé, je leur montre la photo, ils ont l’air surpris. Les ados c’est vraiment difficile à cerner. Maintenant je suis tout à fait de bonne humeur et Julie aussi, on repart vers le métro et je me retourne. Les japonaises sont devant les marches, alors je les prends » : clic
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« J’ai perdu mon groupe, le parapluie que la guide brandit à bout de bras au dessus des têtes, (elle doit avoir des courbatures le soir), les bobs en coton gris ou roses…complètement perdus de vue. Il faut dire que je me suis arrêtée pour regarder des portraits, des caricatures bien hideuses. Le peintre m’a proposé de faire la mienne, je lui ai dit que je ne pouvais pas, que j’étais avec un groupe, il n’a pas insisté. Mais j’en ai quand même acheté une, de Sarkozy, pour l’offrir à mon cousin qui aime les trucs hideux. Ah ces cadeaux, c’est pénible, on ne regarde presque plus les monuments, on cherche des cadeaux. Bon, je vais quand même prendre celui-ci, le Sacré Coeur, qu’on voit de partout à Paris sur sa colline…la photo plaira sûrement à Jeannette qui a vu trois fois le film d’Amélie Poulain. Elle va me dire : quand même, voir ça en vrai, c’est génial ! Je ne lui dirai pas que ça ne ressemblait pas beaucoup à la scène finale, la terrasse à peu près déserte. Elle n’ose pas partir en voyage, elle n’aime pas les groupes. Bon…c’est pas tout ça, ils sont où ? Je ne voudrais pas que le bus reparte sans moi. Ah, ils sont là , tassés dans un coin, la guide me regarde d’un air réprobateur. Je me dépêche et en les rejoignant je me retourne »: clic.
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