Claire Ceira

MOISSONS

par claire le 7 décembre, 2018

1 :

riches heures
matin frais dans l’ombre d’herbes
midi, verticale brûlante du cuivre fondu or et plomb
la fin d’après-midi lourde bleutée huileuse
le soleil rasant les chaumes
et les épaules nues dans leur mouvement

le regard trouve l’endroit où le ciel se fend
que la lumière
de sa force, noircit.

2 :

on passait la journée dans les glissements des outils
le miroir oblique de l’acier sous la lumière
taillant sa route dans ce qui tombait d’un mouvement régulier
les chemins de sueur entre les omoplates
la main qui essuie le sel sur les sourcils
aussi tout ce qui ne glisse pas
les épines fines la balle d’or blanc poudrant la peau
la lourde douleur de la fatigue, serrant.
c’était le temps, suivant l’orbite du soleil
orbe au-dessus des montagnes lointaines
et le déroulement du jour.
les haltes courtes l’eau chaude des bouteilles en plastique
l’avancée des machines dans le champ martyrisé tondu.
….
rien ne se couche plus rien ne glisse
tu es soigneusement assise
au bord d’un endroit dont tu ne tomberas pas
tu te penches un peu sur le grand espace sombre.

3 :

les champs sont bordés de talus, de haies.
sous un ciel blanc et bleu
sous la neige immobile des grands cumulus.

voici la lame rouge orangée
tordue
courant et fumant au-dessus des chaumes
les yeux piquent, l’odeur de la paille brûlée
pénètre dans les vêtements
et après les lignes noires, la cendre.

4 :

on dirait des feux :
la fumée de grands feux
dans la plaine, à contre-jour,
montant du sol devant le soleil qui descend.

on dirait des nuées déroulées sur la terre,
dans ses replis et ses creux.

posté un peu au-dessus
du haut d’une colline,
fouillant des yeux la plaine les vallées, les arbres
la petite cathédrale
on voit en trois endroits,
lents et couchés
doucement mouvants
ces nuages de fumée jaune et pâle
qui progressent, transparents.

chacun est seul dans son engin agricole
et le jour les voit suivre sans fin
dans le matin, l’interminable après-midi et le soir
et même la nuit avec les phares
les voit aller et venir
défaire lentement le tricot doré du champ
qu’ils avaient lentement labouré (brun)
semé (vert)
traité.

les épis qui penchaient sous les pluies
aux têtes d’or gris ciselées
tombent en multitude, suavement
dans leur odeur de grains.

eux aussi paient leur tribut dans la cage d’acier
au-dessus du rouleau vibrant, dans le nuage et la fumée sans feu
jaune et sauvage, dans l’odeur
de froment.

(une vieille série, retravaillée)

3 comments

Très joli tableau. On se voit dans les champs, parmi les faucheurs, dans le soleil couchant, près des meules semées à perte de vue. On sent l’odeur de chaume, de paille chaude…
Un air de Van Gogh ou de Sisley.

Le poète utilise les mots parce qu’il n’a pas de pinceau.

by Christophe (Le Hamster) on 4 septembre 2019 at 13 h 56 min. #

merci Christophe. Il y a deux souvenirs différents dans cette série : ce qu’on appelait le « dépiquage » dans le Gers dans les années 60, travail collectif auprès d’une batteuse qui allait de ferme en ferme après la moissonneuse…et dans les années 2000, les moissons solitaires dans les longues plaines de la Somme où je vivais.
…et bien sûr comme tu le remarques, le souvenir de tous ces tableaux de moissons que nous avons vus.

by claire on 9 septembre 2019 at 10 h 03 min. #

est-ce que tu écris encore ? Je ne sais plus si je t’ai parlé de ce forum que j’aime bien : delivre.net
parfois un peu somnolent, mais nettement moins que ce lieu où tu joues les promeneurs solitaires 🙂 (merci de passer)

by claire on 9 septembre 2019 at 12 h 05 min. #

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