Claire Ceira

Chemin de l’Ubac (exposition et I)

par claire le 28 octobre, 2011



Ce chemin existe vraiment, ici. En fait c’est une route, passant derrière la montagne de roches brutes, de maquis et de pins. Il est du côté nord, moins construit, moins fréquenté. Les pins sont plus hauts, les bruits différents. Les maisons en fin d’hiver portent des traînées sombres le long de leurs murs, sur leur crépi granuleux, comme si l’ombre s’y était déposée depuis toujours, car c’est le pays de l’ombre. Il y a plus d’oiseaux, moins de cigales, moins d’oliviers, plus de pervenches pâles au printemps, dans l’herbe haute. Sur le gravier des chemins encerclant les maisons, un peu de mousse s’installe, végète en été, veloute d’un vert intense les coins sans passage, après la pluie. Les gens aussi me semblent différents. Ils ont choisi de vivre ici comme dans un repli déniant la mer, un repli qui évoquerait plus une basse montagne. Leurs maisons sont entourées de plus d’objets négligés, il y a quelques caravanes moisies dans des prairies étroites, mais pourtant ils aiment être de ce côté moins recherché, dont ils aiment la semi-sauvagerie, la forêt plus vigoureuse, la protection en « zone verte ». Au fond, en contrebas, dans ce creux où nul ne va, encombré de ronces et de pyracanthas orangés, coule peut-être quelque chose, entre des contenants vides aux étiquettes illisibles.
C’est déjà loin de la côte et pourtant à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau. Mais quel oiseau ferait ce vol au dessus du Faron, quelle mouette perdue ascendante et criant devant le territoire intérieur ? Et quel cycliste gainé de couleurs vives, au corps vieillissant mais sec en fera-t-il le tour ?
Et moi quelle vie ai-je renoncé à vivre dans cet espace sylvien, reculé, épargné par la crudité des forces solaires, où le soir tombe vite, où l’hiver ressemble presque à l’hiver ?
Je l’ai pris en moi comme un territoire, où la moitié abimée d’un visage de pierre est déposée – se repose : la moitié nord.

I

c’est comme si je revenais
à moi. ce demi visage rayé
cette mousse noire
les pentes qu’on dégringole presque sans bruit
un oeil ouvert
allongé dans les feuilles.

et la source même où nous avions trouvé une boisson commune
dont l’eau dépose un peu de rouille
sur les tiges proches
l’eau pourtant continue toujours
nimbant d’odeurs de vase
cette tête
ou n’est-ce qu’un rocher ?

peu importe, c’est là que je reviens
et seule cherche encore : la hutte au toit de plexiglas rayé
donnant sur le ciel bleu très haut
un homme vieux qui ne sort pas,
examine
à sa façon de fouisseur, de rat
de quelle façon rien ne se mélange
tout est toujours juxtaposé.

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