Claire Ceira

4 repères

par claire le 23 novembre, 2018

réponse sur un forum à un ami qui tentait de définir « 4 concepts pour circonscrire la poésie » : étrangeté ; fragilité ; souffle ; présence.

…je n’arrive pas à écrire ce que j’avais imaginé, alors je vais juste prolonger ce que tu dis. Je précise bien qu’il s’agit de ma vision personnelle de la poésie.

J’ai aimé ce que tu dis de la fragilité, qui me renvoie à ce qui ne peut être saisi que du bout des doigts, qu’une prise-emprise broierait. Cela évoque la liberté des papillons, leur vol erratique, qui obéit à leur désir et leurs sensations de l’instant. Les significations du poème (j’ai mis « les » au pluriel pour respecter leur richesse et leur caractère comme hasardeux, jaillissant, et leurs chocs) échappent à un projet linéaire de départ.

L’étrangeté est du même registre, mais va encore plus loin dans l’égarement que produit le poème sur la pensée rationnelle. Elle a toujours eu pour moi les caractères de ce qui surgit en bordure du champ de vision, qui est imprévu et semble soudain fortement signifiant mais se dissout si on tente d’accommoder la vision (= si on tente de lui appliquer la pensée rationnelle). Pour moi elle vient de la rencontre entre une image et un élément surgi de l’inconscient, mais je veux bien admettre que pour certains elle prenne un caractère magique. L’étrangeté, c’est aussi ce sur quoi l’esprit trébuche, éprouvant du coup que « quelque chose existe » (et soi aussi).

La légèreté va avec tout cela, elle signe aussi la liberté, ressentie au plus profond, tout comme ce que tu dis du « souffle », ce vent qui ne nous appartient pas et nous traverse au passage, baignant toute chose de son énergie primordiale. On sait bien à quel point l’écriture n’obéit pas à nos résolutions, projets, volontés, efforts, mais que nous sommes tributaires de cette énergie, quelque soit le système de pensée auquel on se réfère pour en expliquer l’existence : Eros pour les psychanalystes, l’Esprit Saint pour les chrétiens, le tao pour les taoïstes…etc.

Et la présence, oui, c’est à dire la continuité de l’être, celui qui écrit mais aussi celui pour lequel il écrit, et plus profondément la continuité de la parole, du sens qui les unit. Je trouve que c’est intéressant après tout ce qui précède de souligner l’unité sous-jacente, qui, elle, est au-delà des mots.

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