Comment l’utopie projette du vide sur l’avenir.

Le principe du rêve immanent est pur et autonome, il se suffit à lui-même, se nourrit. C’est le principe de l’immanence, être sa propre nourriture, sa nourriture sans condition. Or s’il on projette ce rêve dans un avenir, la courbe qu’aura fait ce rêve l’aura décharné de sa substance, et son lieu d’atterrissage, une jachère, comme le tableau qui figure dans mon appartement. Une terre désolée, morte, là où les enfants ne rêvent plus, comme dit la panthère. Cette trajectoire, cette projection – car toute projection ne voit pas ce qu’il y a à l’arrivée, dans la réalité brute – ne restitue rien du rêve, il se consume en chemin, et atterrit sur une terre qui n’a jamais eu cours ni lieu. Il se crashe et la brûle, laissant des matières mortes, à moins qu’il n’y ait plus même de matière. La poétique que j’ai pu relater à propos de cela – les terres désolées – n’a pas lieu non plus, elle n’existe que dans la poétique, et pas ailleurs. Celle que j’ai écrite sur les lieux de rêves n’existe qu’en soi aussi. La vérité est que la poésie ne peut servir que soi-même ou d’autres à une échelle réduite, elle n’est pas un programme, elle se décharne si elle est utilisée, et si elle est subtilisée, elle détruit, car l’essence de son désir qui était amour – je suis amour – devient alors destruction, rapt, viol. L’essence de la poésie est floue, et n’existe que dans l’immanence, ce qui est produit par soi, ce qui vient de soi, ce qui s’entretient par soi, arrive par soi. Le reste est capitalisation, projection et désastre.

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