imbrication 2 : la Seine pensive
by Florian
corps organique
longe
l’égout géant
où palpitent
les moucherons
agglutinés
angoisse d’insectes
serrés dans l’odeur
d’urine
la rouille d’une eau
dépose ses grains
sur le sol
des chambres
à clochards
les ventres gonflés
des pavés
accumulent les pas
indifférents
pensive, vaque
à son anxiété
la Seine matinale
«la rouille d’une eau
dépose ses grains
sur celle
des chambres
à clochards
les ventres gonflés
des pavés
accumulent les pas
indifférents
pensive, vaque
son anxiété
au pont d’urine»
…d’abord il y a la construction, la manière dont toi tu conçois, c’est un peu l’effet échaffaudage autour, non-enlevé, puis à la relecture, il y a, « imbriqué » est le bon terme, le poème.
j’suis assez pas mal d’accord avec les commentaires de bui et Claire (dans « le coup de flingue ») à propos de l’arrachée, on voit ici aussi le même « motif »…
que tu mettras peut-être un jour dans « le caisson à compost »; c’est plutôt intéressant, te lire!je te salue!
oui pour la forme, l’imbrication étant aussi le décor et la pensée. encore une histoire d’intérieur / extérieur chère à la gent féminine.
j’ajoute un 🙂
Tiens, j’etais persuadée que les histoires d’intérieur/exterieur branchaient pas mal aussi la gent masculine!
Enfin, pour appuyer ce registre, c’est aussi un poème de guerrier en pays hostile (cher a Manset).
ah oui tu penses à quoi précisément ? (ça m’intéresse car c’est une impression que j’ai dehors, en ville bien souvent)
Je ne peux pas te répondre longuement aujourd’hui, bien ue ce soit une uestion complexe et passionnante. Disons que la chanson « comme un guerrier » et d’autres présentent la création artistique comme une pénétration guerrière de la réalité, guerrière et sacrificielle……il y a aussi « stalker » de Tarkovski ». Il y a aussi la façon d’être au monde de beaucoup d’artistes, bien avant je crois qu’ils créent. Pénétration et vulnérabilité.
A +
Je prolonge un peu parce que c’est en plein dans des questions qui me travaillent actuellement : si tu vois une personne comme une sorte de maison lentement construite, dont les murs définissent et protègent l’intégrité psychique, munis d’ouvertures (portes et fenêtres) qui permettent les échanges avec l’extérieur, elles-mêmes protégées par des membranes (vitres, volets, rideaux) et des serrures qui permettent aux occupants de réguler ces échanges, alors tu peux imaginer que pour certains cela se traduise en terme de bicoque fragile ouverte à tous vents, château fort avec herse et meurtrières, maison japonaise légère et facile à reconstruire après un séisme, villa des pays chauds avec des espaces dedans-dehors, des cours intérieures communes, tentes de nomades ou de vagabonds etc……peut-être pour certains absence de maison, errance (il y a un très beau livre d’Ariane Gravier qui parle de ça, qui s’appelle « Bri »).
Plus les ouvertures seront grandes, voire béantes, plus il faudra aux occupants de vigilance, plus ils seront tentés parfois de déménager dans un château fort ou de tout barricader avec des planches, ou d’avoir un couteau, mais plus l’extérieur sera présent à l’intérieur, mêlé à lui, intense. La sensibilité artistique est souvent proche de ça, je crois, des ouvertures plus larges et béantes que celles de beaucoup de gens, laissant entrer des choses dont « normalement » on se protège, qu’elles soient heureuses ou malheureuses, et que le travail créatif transforme pour en faire……(?)
Ça c’est une première façon de voir cette affaire de « guerrier ». Il y a aussi ce texte d' »Anonymous » sur le forum bleu que tu as aimé, pas très étonnant d’imaginer que le personnage dont le portrait est esquissé puisse avoir de temps en temps des réactions guerrières de protection.
Mais tout ça est du côté de la défense, alors que je crois que la création est aussi du côté de l’attaque, de la destruction, de l’appropriation et même d’une sorte de haine couplée à l’amour.
Je n’ai pas envie d’expliciter lourdement cette idée. Il y a quelques passages de Manset qui disent très bien cette chose étrange : dans « Entrez dans le rêve » : « Découper le monde à coup de rasoir /Pour voir au coeur du fruit le noyau noir……dans « Paradis » : « Je me suis armé d’un coutelas /D’une lame à double tranchant/ Cette douleur écoute-la/ Ecoute son chant/ Je veux qu’on m’amène ici-bas/ La vérité et son contenu/ Cette phrase longtemps tenue:/ « Personne ne m’aime ».
Et dans « Comme un guerrier » : « Nous prendrons nos fusils/ Nous marcherons sur l’Asie/ Afin de voir s’ils sont heureux/ Afin de voir s’ils sont heureux. » etc……il y en a plein d’autres.
Pour en terminer, je me suis dit parfois que j’écrivais pour pouvoir laisser filtrer une sorte de haine, l’éprouver, en faire quelque chose, et aussi que l’art occidental s’appuie beaucoup sur le sado-masochisme (je ne parle pas d’une pratique du sado-masochisme, mais d’un imaginaire), l’interpénétration sauvage, qui lui permet par moments de toucher, de ressentir corporellement ce que nous recherchons sans cesse, la « dent douce à la mort » du vrai bonheur.
Et que cette interpénétration sauvage, cette co-existence des contraires c’est le contraire du mélangé, du vivant/tiède, caractéristiques au contraire de la paix, de la vie commune.
(quel fatras ! )
(quel fatras !)
Non, je t’assure! Tu dis là des choses qui m’habitent, que je pense/ressens et que je tais – que je pense et ressens chez florages en le lisant, très souvent – (ces choses qui me travaillent aussi), dites très justement et simplement et que je n’aurais pas su expliquer ou que je n’aurais pas osé.