Mojave ghost.

Voilà ce qu’on dit de l’éternité chez un poète messieurs dames les romanciers !

Un peu de condescendance envers les romanciers !

Eh oui les romanciers et les romancières s’intéressent souvent aux familles. Peut-être ont-ils peu d’émotions métaphysiques comme les poètes et les poétesses, peut-être sont-ils amputés d’une petite part d’eux-mêmes, et errent-ils dans un périmètre plus étriqué que les seconds. Ils tâtonnent, et ils recherchent des raisons, ils ont abandonné la métaphysique. Ils sont rangés, on les voit un peu taiseux et taiseuses dans les villes, regarder vers le bas bien souvent, même s’ils lèvent les yeux au ciel ! Ils ont abandonné la partie, et se réfugient parmi les leurs, n’espérant plus les grands espoirs qui les ont pris par accès, il y a des millénaires déjà ! Les romanciers et les romancières tâtonnent, plus souvent dans la convenance que l’indicible, ils tentent d’éclaircir leurs échecs, ils sont un peu tristounets. Parfois des eaux vives émergent, mais pas souvent, leur condescendance envers eux-mêmes les rattrapent. Ils n’ont pas de grands trésors à offrir au ciel, ils tâtonnent dans les eaux noires, la nuit tombée, s’extasient d’un crépuscule et de petites formules. Ah s’il leur viendrait l’élancée d’un poète, ils et elles riraient avant de rentrer au bercail, retrouver les leurs !

Oh le beau bateau sur les flots noirs.

Encore !

Je vais me remettre peu à peu, une nouvelle fois, encore une fois, encore, je vais me remettre peu à peu, encore une fois, encore, jusqu’à la prochaine fois, encore et je progresserai, et encore, je devrais me remettre, encore, encore une fois, je vais me remettre, et j’accumulerai de l’expérience, encore, encore une fois, je vais plaire, puis déplaire, encore, encore une fois, je vais rêver, encore, et peu réaliser, encore, rêver, encore, et peu réaliser, encore, et encore je devrais me remettre, encore, et progresser, encore, acquérir de l’expérience, encore, pour pouvoir me remettre, encore, écarter les crises encore, peu réaliser malgré l’expérience, encore, encore, progresser, me remettre, rêver, rêver, être heureux, peu réaliser, encore, encore, encore.

Je vais regretter, plaire, déplaire, culpabiliser, me délivrer, encore, encore, encore !

J’ai compris que les valeurs s’entretiennent, que la misère dépend de l’exception, et vice versa. J’ai compris que des valeurs égalisées, ravalées, nivelées, créent une misère générale et que tout cela en restera au stade de l’illusion. J’ai compris qu’il n’y a pas de revendication à la poéticité du monde, à la sensibilité, sans contrepartie, et sans privilèges. J’ai compris que les humains dépendent les uns des autres, et que pour cela un conflit nécessaire a lieu, que ce conflit est l’origine des intentions et des interdépendances. J’ai compris qu’il n’y a pas d’entente suprême et synthétique, qu’il n’y a pas de monde parfait où tout est comme dans un rêve. J’ai compris que le rêve est mou, et que le réel est dur. J’ai compris que les mélanges créent des confusions, et des misères, et des diminutions de l’être, de la valeur.

DESTINEE

Des jumeaux sont nés, et ont construit
Une chaine de montagne véloce
Des cornes ont étayé une belle lumière
Dans la belle figure d’une bible

On a joué avec les sédiments du livre
L’un s’en est allé, l’autre a prié
Plus rien ne faisait office de bible

Le livre s’est divisé, rien n’est sorti
Qu’un bourgeon fébrile
Et des palmes d’acier

L’ANGE

Là où il devait y avoir un arbre il y a eu une stature
La graine a germé sans écume dans le galet
Le poli de la mer a fait ses polices
Et le corps rieur d’un poisson

Le corps étranglé a fait le visage de l’ange
Il s’est tourné sur l’algue en partance vers l’écrou
Où nageaient des étoiles qui avaient pris
L’eau écoulée des septentrionales

L’ange est devenu démesuré, si proche encore
De la gardienne aux yeux endimanchés
Il a brulé le dimanche et s’est vautré dans la boue
Reniflant une épure plus belle encore

LES MURS

Je te parle entre les murs voisine
Le béton qui véhicule le bruit parfois hurle
Mais ma voix se lancine sur les bords
Et au fond de la matière te répond

Je te parle de ma folie exquise
De ses tendons et de ses muscles voisins
J’épèle le nom d’une folie mesquine
Et parle allégrement de ce qui me fuit

Nous sommes les locataires d’une immense
Perdition et du salut de notre ère
Nous vivons dans la grande alchimie
Les murs sont les réduits de nos cris.

PROMETHEE

Le son est sourd comme une route
Tu te passes au tamis
Et confère aux sourdes routes la mère
Nourricière des petites ivresses

Tu traines des guêtres dans le soleil
Si sourd, si ténu qu’une ivresse
T’oublies dans l’abat-jour d’un dieu
Obnubilé par le sort et son escarcelle

Tu vas passer la mise dans la main
Et les osselets d’une fille
Tu vois un chien qui profile et se dandine
Dans sa marche canine vers un rien

Tu es seul ainsi qu’une estampille
Et maugrées parfois sur le terrain
Car le soleil est un missile
Et tu mitrailles de riens ton psychisme

Tu as peur comme une guêtre solitaire
Tu es confiant comme un ancêtre
Dont la boue et la fêlure vont paraitre
Dans le cercle des conifères

POEME POUR CHARLOTTE

Tu es comme le gravier charlotte
Un gravier doucereux et plein
L’amour comme une chose impossible
Met dans les voix des acrostiches

L’amour comme une plaine doucereuse
Comme une impossible qui s’émaille
Dans les tranches et la cornée subtile
Des yeux d’un cœur en extase

Il m’est impossible de me couvrir
Avec ta voix sonore et vorace
Elle est douce comme des béquilles
Et déglutit mes pleurs terribles