Claire Ceira

focale (6)

par claire le 23 février, 2017

Elle s’est glissée ce matin par le petit portail, au fond du jardin. C’était un matin tiède de mars. Elle, la peureuse, l’attentive, la sans-projet, elle aurait été bien en peine de prévoir cette brusque impulsion – entre le battant et la colonne de ciment sur laquelle il s’appuie, un coup d’épaule avait suffi pour ouvrir la grande aventure. Elle est partie tout droit vers l’est, longeant le trottoir, traversant avec aplomb et comme tout à fait avertie. La rue était pleine de choses attractives, mais pas suffisamment pour la ralentir. Elle est passée devant le square, sur le pont surplombant les voies du métro, puis plus loin qu’elle n’était jamais allée. Elle a vu du coin de l’oeil le premier qui s’est mis à la suivre, a retraversé la rue en diagonale, et l’autre a débouché d’une impasse. Elle les entendait derrière elle, avançait toujours au même rythme, rapidement mais sans fuir. Ils ont parcouru ainsi près de 500 mètres, dans la rue en pente bordée de jardinets. Soudain, par dessus la grille basse de l’un d’entre eux, elle a vu le troisième. La même force qui l’avait poussée à fuir la maison où elle avait grandi, où résidait toute sa sécurité, arrêta brusquement sa course. Elle était absolument immobile, et le resta tandis qu’il la contournait, l’étreignait et qu’elle sentait son petit pénis rigide se frayer un chemin. Les deux autres attendaient, le petit noir et blanc aux oreilles tombantes et le brun.

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